vendredi 7 décembre 2001

Conférence "Les Grands Causses", Centre Culturel Français, le vendredi 7 décembre 2001



Les Grands Causses : plateaux calcaires d'une altitude moyenne de 800 mètres couvrant environ 1/3 de la superficie du département. Ils sont au nombre de 5 pour les plus importants :

Le Causse Comtal : le plus à l'Ouest avec son site du trou de Bozouls.

Le Causse de Séverac : le plus civilisé, d'où surgit comme une île Séverac le Château.

Le Causse Méjean : le plus élevé avec le col de la Fageole à 1200m.

Le Causse Noir : le plus mystérieux, longtemps inexploré et refuge de brigands, d'hérétiques, de loups et de sorcières. Célèbre par son chaos de Montpellier-le-vieux, lieu de tournage de nombreux films comme La Grande Vadrouille.

Le Causse du Larzac : le plus grand par sa superficie, le plus légendaire avec la venue des Templiers et Hospitaliers, le plus célèbre grâce à son fromage : le Roquefort.

De cette très simple définition géographique, géologique ou historique, nous pouvons ajouter celle d'un très célèbre guide touristique, que je ne nommerais pas, et qui conseillait encore en 1977 aux voyageurs qui traversaient la région des Causses, je cite " de quitter sans regret ces paysages arides et monotones, pour redescendre vers des vallées plus hospitalières ". J'espère que tel ne sera pas le cas ce soir et que ce voyage à travers ces trois documentaires vous donnera au contraire l'envie de découvrir cette région.
En effet, en reprenant le slogan célèbre " sous les pavés, le sable ", on peut dire ici " sous les rochers, la vie, l'eau ". Nous n'allons pas ici vous parler en experts, mais avec notre passion pour avoir vécu parmi ces plateaux qui fournissent la vie à toute une économie de notre département. Ces experts qui avaient conseillé le ministre de l'armée des années 70 et qui déclaraient ces terres incultes et seulement propres à un camp militaire que les paysans d'abord et ensuite tout le département a mis près de 10 ans pour empêcher l'extension. En effet, depuis les années 1960, un vaste travail d'amélioration de la race ovine, de méthode pour améliorer le rendement agricole et d'organisation des secteurs de productions de fromage, avaient redonné à cette région l'espoir qu'on voulait alors lui retirer.
De son isolement et de l'incompréhension de sa situation, l'Aveyron a su trouver une force de coalisation entre tous les représentants économiques, politiques, religieux et associatifs pour réaliser cette résistance pacifique, d'où ont émergé des mouvements alors révolutionnaires, mais aujourd'hui bien présents et indispensables à notre vie démocratique et qui sont l'écologie, le pacifisme, le pouvoir associatif, la lutte contre la mal-bouffe.
Les experts sont maintenant devenus plus prudents ou plutôt plus discrets, plus lointain. Les dangers contre cet équilibre fragile viennent petit à petit : sur taxation à l'importation du fromage de Roquefort aux Etats-Unis, ce qui entraîne plusieurs Millions de Francs de revenus en moins par an pour l'économie locale, lutte permanente pour empêcher la suppression d'hôpitaux, d'écoles. Actuellement, la région est en train de se battre contre la délocalisation de la fabrication des Bleus des Causses vers une autre région de France, où le bleu deviendra plus bleu, où les Causses n'existent pas, où le consommateur sera encore trompé.
Mais, pour rester optimiste et pour l'anecdote, je voudrai vous signaler qu'il reste des caves de Roquefort à acheter. Alors pourquoi pas un jour, un Roquefort Kremer, Junker ou mieux Léa Linster. Voir sur un plateau se marier Maria Grimal et Gabriel Coulet, c'est bien, mais un Léa Linster avec un Claude Juncker…tout ça avec un Pinot blanc bien sur Luxembourgeois.
C'est grâce à la collaboration de quatre organismes Aveyronnais que nous voulons essayer de vous montrer l'un des aspects du dynamisme et de la force de ce département pour
- garder son histoire et patrimoine à travers le Conservatoire du Larzac, Templier et Hospitalier,
- protéger et mettre en valeur avec le Parc Naturel Régional des Grands Causses,
- faire découvrir le monde fabuleux des insectes à Micropolis, et enfin adapter



aux contraintes modernes la production du fromage de Roquefort tout en sachant protéger la qualité du produit et améliorer les conditions de vie des producteurs de lait de brebis grâce à la Confédération Générale des Producteurs de Lait de Brebis et des Industriels de Roqueforts .
En 2004, le viaduc autoroutier le plus haut du France fera franchir aux voyageurs encore de plus en plus vite ces vastes plateaux vers des plaines
encore plus hospitalières. Les dimensions exceptionnelles du grand viaduc de Millau, les choix esthétiques de l'architecte Norman Foster mais aussi le décor naturel grandiose qu'offre le sud de l'Aveyron au travers des gorges du Tarn sont autant d'atouts qui contribueront à amplifier les attraits
touristiques de la région. L'Aveyron aura encore un autre défit devant lui et c'est dès aujourd'hui que se met en place ce dynamisme et équilibre entre tradition, culture, nouvelle technologie, tourisme et agriculture raisonnable ou raisonnée.
Pour les Aveyronnais, les Grands Causses seront toujours là pour nous rappeler la sagesse de l'éternité.
Qu'est-ce que le parc naturel des grands causses ?
C'est l'un des 38 parcs naturels régionaux créés en 1967 afin de protéger le patrimoine et de promouvoir le développement local. Celui des grands causses est constitué de vastes plateaux calcaires situés sur la moitié sud de l'Aveyron. Ils portent des noms plus ou moins connus : pays millavois, Larzac, causse noir, causse de Sévérac… et recèlent des richesses importantes que ce soit sur la plan naturel, culturel ou économique.
I) La nature
Comme cela a déjà été dit dans l'introduction, les grands causses sont de gigantesques plateaux calcaires proposant des panoramas somptueux et des paysages variés : plateaux secs et blancs sur le Larzac, rouges dans le pays de Camarès, campagne verte et vallonnée dans sa partie septentrionale autour de Sévérac-le-château, 3 rivières Tarn, Jonte et Dourbie qui ont creusées au fil du temps des gorges impressionnantes…
Sous la surface, le karst (système d'érosion mécanique et chimique provoqué par l'eau) a donné naissance à un réseau complexe formé de grottes, de cavités et de rivières souterraines qui fait le bonheur des spéléologues mais surtout constitue une partie non négligeable des ressources en eau de la région Midi-Pyrénées.
Bref des cadres magnifiques qui attirent chaque année plus nombreux, les touristes amateur de belles natures et de randonnées.
II) La culture
Mais ces touristes profiteront également d'un patrimoine historique non négligeable:
La présence de nombreux menhirs atteste de la présence de l'homme sur les grands causses dès l'époque paléolithique.
Le site archéologique gallo-romain de la Graufesenque près de Millau rappelle que la région fut l'une des plus importantes places industrielles de l'antiquité. En effet, elle approvisionnait l'empire romain en vaisselle sigillée (terre cuite rouge). Des vases furent retrouvées dans les ruines de Pompéi et dans des épaves de bateaux au fond de la mer rouge.
Le moyen-âge a laissé églises romanes, châteaux forts et villages fortifiés…
Le Larzac, lieu de passage stratégique, à cette même époque, a vu naître des places templières et hospitalières (Sainte-Eulalie de Cernon, La couvertoirade)
Depuis maintenant 2 ans, suite au succès du film Microcosmos, Micropolis, la cité des insectes, s'est installée à Saint-Léons, patrie de l'entomologiste Jean-Henri Fabre, et nous propose une découverte passionnante du monde des insectes.
III) L'économie
L'activité agricole numéro 1 est la production de lait de brebis (168 millions de litres par an). Ceci pour satisfaire les besoins d'un fromage mondialement connu : le Roquefort.
Les ganteries de Millau, se sont désormais spécialisées dans la haute couture
Enfin, le tourisme vert se développe de plus en plus. En effet, comment rester insensible aux qualités de cette région : authenticité de la nature, lumière et étendue des paysages, histoires riches et fécondes, gastronomie savoureuse ?
La Légende du Roquefort
L'histoire se déroule en Aveyron dans la belle région des Grands Causses.
Il était une fois… un jeune pâtre gardant son troupeau près d'une grotte du Combalou, rocher qui domine le village de Roquefort-sur-Soulzon. Se préparant à prendre son repas, il aperçut au loin une charmante jeune bergère. Fasciné par sa beauté, il décida de la suivre, laissant à son chien le soin de veiller au troupeau de brebis. Son maigre repas, composé de pain de seigle et de caillé de brebis, resta caché dans une petite grotte, bien au frais.
Quelques jours plus tard, il quitta son amoureuse de bergère et revient garder son troupeau. Pris d'une faim subite, il se précipita dans la petite grotte où il avait enfoui sa maigre pitance. Curieusement, le pain de seigle s'était couvert de moisissure et le caillé de brebis de marbrures vert bleues… Trop affamé pour s'interroger, le berger dévora cet étrange repas. Il trouva le fromage fort bon…
Il fit connaître à d'autres pâtres le fruit de sa découverte. C'est alors que plusieurs d'entre eux aménagèrent des grottes près de celle de notre pâtre. Ils fermèrent les issues par des cabanes en bois. Un nom qui restera puisque les artisans des caves de Roquefort sont toujours appelés " cabaniers "
Ainsi était né le Roquefort : une exquise alchimie s'était produite entre l'air, le pain et l'œuvre du temps " fils de la montagne et du vent ". Depuis des siècles, le berceau du Roquefort est resté au même endroit : Roquefort-sur-Soulzon petit bourg situé en bordure du Causse du Larzac, entre Millau et Saint-Affrique.

Aire d'appellation
Dès le VIIIe siècle, le Roquefort est cité dans de nombreux actes, donations, rentes, etc. concernant le Rouergue.
Charlemagne en avait fait son fromage favori. En 1411, une Charte de Charles VI reconnaît la nécessité vitale de défendre le Roquefort " en un pays ou ne pousse ni pied de vigne, ni grain de blé ", et en 1666, un arrêt du Parlement de Toulouse concède aux habitants de Roquefort " le monopole de l'affinage du fromage tel qu'il est pratiqué de temps immémorial dans les grottes dudit village ". Malgré la Révolution, les privilèges accordés à Roquefort sont maintenus par la Convention qui décide que " ne sera Roquefort que ce qui sortira des caves de Roquefort ".
C'est au sein d'un immense éboulis rocheux en bordure des Grands Causses, sous le plateau du Combalou, que les caves de Roquefort ont été aménagées. L'air humide, provenant des entrailles de la montagne, y pénètre par de longues failles appelées " fleurines ".
Là s'accomplit un miracle de la nature qui donne au Roquefort sa saveur incomparable.
Si l'affinage se fait uniquement à Roquefort, le lait nécessaire à la production du fromage est collecté dans une zone s'étendant sur le département de l'Aveyron et les départements limitrophes du Tarn, de la Lozère, mais aussi le Gard, l'Hérault et l'Aude. Cette Zone est appelé le "rayon de Roquefort".
La Confédération
Les hommes de Roquefort ont travaillé avec persévérance à perfectionner la qualité de leur fromage, développer sa notoriété, promouvoir sa production et défendre son appellation.
En 1930, ces efforts ont abouti à la création d'une interprofession destinée à institutionnaliser ces principes et à régir, dans une convention collective encore en vigueur aujourd'hui, les structures propres à assurer leur application.
Cette association originale, au sein de laquelle coopèrent producteurs de laits de brebis et fabricants de fromage, est restée un exemple de système interprofessionnel qui a réussi à organiser un marché.
L'un des premier résultats a consisté à intéresser directement le producteur de lait au prix du produit fini. C'était assurer la prospérité solidaire des agriculteurs et des industriels et marquer indissolublement l'interdépendance de leurs activités.
L'appellation d'origine Roquefort est reconnue et protégée dans de nombreux pays étrangers par des textes législatifs et des traités de commerce. Ainsi (en 1930), la Confédération Générale des Producteurs de Laits de Brebis et des Industriels de Roquefort a crée une marque collective, "le label de la Brebis Rouge ", pour signifier aux consommateurs que tous les contrôles d'origine et de qualité, et plus spécialement les conditions prévues pour l'emploi de l'appellation d'origine "Roquefort " ont été rigoureusement observées.
La Confédération a pour objectif générale l'étude et la défense des intérêts économiques communs aux Eleveurs de brebis et aux Fabricants de Roquefort, et notamment :
1°)- De régulariser les rapports et de resserrer les liens de collaboration entre Producteurs et Industriels ;
2°)- D'organiser et de promouvoir un service commun de la répression des fraudes, sous un budget unique ;
3°)- De rechercher et de mettre en œuvre les mesures nécessaires à la protection de l'appellation "Roquefort " ;
4°)- De régulariser et d'assainir le marché d'achat du lait et plus particulièrement de fixer les règles devant servir de base à la détermination du prix du lait ;

L'Art du Fromager

Le Roquefort, fabriqué exclusivement à partir de lait de brebis, cru et entier, est un fromage à pâte persillée, en forme de cylindre d'une dizaine de centimètres d'épaisseur et dont le poids varie entre 2,5 et 2,9 kg. Il contient au moins 52% de matière grasse et se présente dans un emballage de papier d'aluminium portant l'appellation " Roquefort ", accompagnée du sigle " AOC " et de la marque confédérale de la " Brebis Rouge ".
Le Roquefort respecte des méthodes immuables. Chaque jour, pendant deux cents jours, de décembre à fin juin, les brebis sont traites matin et soir. Dans son arrivée en fromagerie, le lait peut être chauffé à 32° C environ. Il est ensemencé de pores de penicillium roqueforti avant l'ajout de la présure. Après deux heures, aidé d'un outil de découpe en forme de lyre, le fromager rompt la masse du caillé afin d'obtenir des petits cubes équilibrés. Il s'en suit le brassage, le pré-égouttage sans pressage, qui précède la mise en moule. Le caillé devient alors un pain de roquefort. Pendant plusieurs jours au repos dans une salle d'égouttage à 18° C, les pains sont plusieurs fois retournés, marqués en creux et envoyés au saloir. A cet instant, toujours dans les moules, intervient pendant 5 jours, le salage à sec, entrecoupé de différents retournements. Les petites fourmes sont alors prêtes pour le départ vers les fleurines de Roquefort. Le piquage, destiné à aérer la pâte, est réalisé en cave ou en laiterie.

Il est important de noter que les poudres et cultures de penicillium roqueforti utilisées doivent être réparées en France à partir de souches traditionnelles existant dans le micro-climat des caves naturelles de la zone délimitée de Roquefort.

L'Art de l'Affineur
L'affinage dure au moins 3 mois. La température des caves de Roquefort est constante, entre 7-8° C. Elles sont enserrées entre des parois rocheuses, recouvertes d'une flore microscopique de Penicillium Roqueforti, essentielle pour l'affinage du fromage. Les fromages sont exposés à nu, pendant au moins 2 semaines de la période d'affinage. Une maturation lente sous emballage protecteur se poursuit dans des caves à température dirigée.
Il faut lui éviter les variations trop brusques de température. Le morceau destiné au plateau de fromages sera chambré, comme un grand vin, une heure au moins avant le repas.
Le Roquefort entre aussi dans des préparations culinaires : canapés, salades, soufflés, feuilletés, etc... Il s'accompagne habituellement de vin rouge fort en caractère tel que le Marcillac, ou bien de vins liquoreux, Sauternes, Jurançon ou de vins doux naturels, Maury, Rivesaltes ou Porto.

Roquefort
Il y a, à la fois du mystère et du miracle. Difficile d'imaginer un site perdu, au paysage et au climat peu encourageant, inaccessible et loin des grandes villes. A Roquefort, deux mythes ont vu le jour : le fromage et la magie du fromage. Comment imaginer qu'un tel bonheur pouvait naître d'un énorme éboulis rocailleux. Qui aurait pu penser qu'il a fallu qu'une montagne s'écroule pour que la vie jaillisse?