mercredi 10 décembre 2003

Ciné Conférence: FARREBIQUE ou le cinéma du réel par Dominique Auzel à la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg, 10 décembre 2003


Farrebique ou les quatre saisons
(France 1946/vo/90')
De : Georges Rouquier
Avec : les villageois de Farrebique et de Goutrens (Aveyron)

CANNES 1946 - GRAND PRIX DE LA CRITIQUE INTERNATIONALE
PARIS 1947 - GRAND PRIX DU CINÉMA FRANÇAIS
VENISE 1948 - MÉDAILLE D'OR



C'est dans le cadre magnifique de la cinémathèque de la ville de Luxembourg, lieu chargé de moments magiques cinématographiques, encore appelé ici le 7ième art, que le film de Georges Rouquier " Farrebique " fut projeté devant une nombreuse assistance de fidèles compatriotes aveyronnais, mais également de personnes attirées par la découverte et la renommée de ce film.

Mais cette soirée n'aurait pas connu cette réussite sans la présence de Dominique Auzel, auteur de nombreux ouvrages sur le cinéma, et notamment " De Farrebique à Biquefarre ", et qui présenta avec passion l'auteur et son œuvre. En effet, qui mieux que Dominique Auzel, originaire de Marcillac, pouvait parler, illustrer parfois de propos anecdotiques, souvent pathétiques, mais tellement juste, de ce chef d'œuvre du cinéma. Rares en effet sont les filiations aussi proches que celle qu'il y a entre ce réalisateur, cet artisan du réel, et son biographe, son fils spirituel.
Ce film si cher aux Aveyronnais, qui parle de leur racine, de leur patrimoine culturel, de leur terre, de leur langue, mais qui au-delà de cet aspect identitaire fait aussi œuvre universelle grâce au talent et à la poésie de Georges Rouquier, restera pour toujours gravé dans notre mémoire collective et comme l'écrit Dominique Auzel " il nous montre des hommes, des animaux, des plantes, des paysages, tout ce qui fait partie de la terre où nous vivons et, si loin que nous en soyons, nous reconnaissons dans cet autre visage du monde un souffle de notre propre vie ".
Merci Dominique Auzel d'avoir réalisé pour nous cette rencontre entre l'œuvre, son créateur et les spectateurs que nous sommes. Merci de nous avoir fait découvrir ainsi, comme pour un bon vin, l'âme de ce film, son vigneron, sa terre.

C'est autour des vins et soleils de Marcillac que les spectateurs se retrouvèrent à la fin de la séance et purent ainsi terminer cette si agréable soirée, tout en découvrant les ouvrages mis en ventes par les éditions des cahiers du cinéma.
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Au rythme des saisons, la vie d'une famille dans la ferme de Farrebique avec ses drames et ses joies, et ce, sous le microscope d'un adolescent qui chante ses décors familiers avec un lyrisme virgilien et une précision proustienne. Un poème lyrique, chaleureux et sensible réalisé par un cinéaste poète et paysan.
Georges Rouquier
L'œuvre du cinéaste Georges Rouquier (1909-1989) suscite un engouement qui ne se dément paset ses films-phares " Farrebique " et " Biquefarre ", si singuliers dans le paysage cinématographique français par la représentation qu'ils nous proposent du monde paysan de l'Aveyron, sont toujours aussi présents dans
l'univers du cinéma français. Ces films sont également connus dans le monde entier et les universités
comme les écoles de cinéma outre-Atlantique les considèrent comme des objets d'étude pour les futurs cinéastes. Spielberg et Coppola considèrent ces films comme des événements marquant l'histoire du cinéma et s'y réfèrent fréquemment.
Dominique Auzel
Le conférencier est aveyronnais et enseigne à l'université de Toulouse-II. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'histoire et l'esthétique du cinéma, dont " Georges Rouquier - de Farrebique à Biquefarre " aux Editions des Cahiers du Cinéma)
Cinéma du réel
Réaliste, " Farrebique l'est d'abord par le refus de l'affabulation. Rouquier filme la vie réelle d'une ferme pendant un an et adopte volontairement le ton du document (présentation des personnages par le présentateur). Il y a, dès le départ, soumission au réel. Cette position de principe a comme conséquence l'emploi de véritables paysans et l'utilisation de décors réels. Rouquier a le sens de la matière, la caméra n'invente rien, elle voit et nous oblige à voir. Elle traduit l'écoulement du temps et concentre en 90 minutes une année complète.
Quelques critiques de l'époque
Je suis de ceux qui sont sortis de la projection de FARREBIQUE complètement bouleversés. Rares sont, en effet,
les films où l'on sent à ce point la présence du cœur. Mais, plus encore peut être, ce qui émeut profondément dans le film de Georges Rouquier, en même temps que cet amour de la nature d' une force lyrique extraordinaire, c'est sa pureté. Une séquence comme "l'éveil du printemps" classe son auteur. Très près du Dovjenko de "La Terre". Très près aussi de Jean Vigo, ne serait-ce que parce que FARREBIQUE rend aujourd'hui le même son neuf que rendaient à leur apparition "ZÉRO DE CONDUITE" et 'L'ATALANTE".
Marcel CARNÉ
"CINEMONDE", septembre 1946


" Farrebique est un film révolutionnaire. Les révolutions sont toujours en avance sur leur temps. Le véritable film d'avant-garde de ces dernières années n'est pas Citizen Kane, c'est Farrebique. "
Jacques Becker, cinéaste
" Je tiens Farrebique pour un grand événement. Un des très rares films français qui, avec L'Espoir de Malraux,
ait au moins pressenti la révolution réaliste dont le cinéma avait besoin (…)Un critique cinématographique, sans doute trop distingué, se plaint dans son papier d'avoir vu les vaches bouser, la pluie tomber, les moutons bêler,
les paysans patoiser, de quoi, dit-il, le dégoûter de la campagne. De quoi vous dégoûter des critiques de cinéma. "
(André Bazin, critique)